24/04/2024 : ©CNMP |
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L'activité physique et
sportive Depuis ces dernières années, avec la diminution du temps de travail, le sport est devenu une valeur positive autant sur le plan économique (vêtement...) que sur le plan culturel (journal...). Linstitution psychiatrique utilise donc une valeur socioculturelle communément admise pour en faire un médiateur thérapeutique. Dans cet exposé; nous excluons toutes les activités qui seraient purement d'animation, éducatives ou pédagogiques, qui ne sont pas notre sujet, pour nous centrer sur l'activité de soin infirmier définie dans le cadre du soin. - La prescription médicale en est le premier élément. Elle est liée comme dans toute médecine mentale bien plus à des cas particuliers qu'à des cadres nosologiques précis. Si c'est la personne soignée qui formule la demande, la question est renvoyée au médecin. à l'équipe, en tenant compte du désir émis. La prescription peut être une activité physique et sportive (APS) précise ou les APS en général. - Le projet thérapeutique individuel formalisé dans le DSI permettra de déterminer avec l'équipe de l'unité quelle orientation prendre dans une palette d'activités possibles: duelles, collectives, en piscine. en salle, à l'extérieur (citer programme hebdomadaire). Ce choix est fonction des objectifs de soins définis selon la problématique à travailler tels que l'acceptation de soi, la restauration narcissique, l'affirmation de soi, le relâchement de la psychorigidité, l'image de soi à reconstruire (pour les personnes dépressives), la réappropriation de la communication, le repérage spatial. Le cadre des soins Face à la difficulté d'inscription dans «l'ici et maintenant», l'étayage sera indispensable de la part de chaque soignant qui intervient dans la quotidienneté, afin de soutenir la poursuite de l'activité. L'entretien L'entretien avec la personne permettra de signifier la prescription, le cadre (c'est-à-dire les limites, la régularité, la permanence... ), les objectifs, les détails d'organisation ( par rapport au lieu... ). En même temps, le ou les thérapeutes seront présentés. Si la prescription médicale est générale, l'entretien aidera à choisir le médiateur et, selon la pathologie, en tenant compte du désir (prudence). Le passage de l'individuel au collectif ou inversement se fera selon l'évolution de la personne: - Pour Mme E.L., le médecin avait prescrit yoga (joug: unir, réunir corps-âme-esprit) dans l'intention d'apaiser un état de tension maniaque. Il a lieu en petit groupe. L'alternance des postures d'ouverture, de fermeture et de torsion dans leur égalité semble avoir généralement une fonction sécurisante pour celui qui se recroqueville sur lui-même ou qui s'éclate de toutes parts. J'ai dû, pour cette dame, très angoissée, qui perturbait les membres du groupe, prévoir des séances individuelles comprenant essentiellement des postures de fermeture, dites apaisantes. - Pour M. D., hospitalisé pour un état délirant, nous avons décidé progressivement d'aller vers un travail à l'extérieur dans l'intention de l'inciter à la communication par le biais du contexte particulier qu'offre la piscine ; il aimait beaucoup l'eau. Il y est entré très vite, s'est lancé dans des longueurs, rapide et en solitaire. Pour le ramener vers l'objectif envisagé, nous avons mis en place une activité ludique, un peu technique, afin qu'il y trouve sa place de nageur compétiteur ; la communication s'est instaurée avec tout le groupe tant par le jeu que par la parole qui nous permettait d'expliquer, de situer dans la réalité. Les évaluations Elles sont régulières:
La permanence Les conditions d'évolution vers une amélioration, dans chaque cas, dépendent du contenu de la prise en soin, mais aussi de la régularité de l'activité et de la permanence du cadre (c'est-à-dire lieux, soignants, soignés... ), de la cohérence entre les divers acteurs du soin. Il est bien question de régularité de permanence et non de répétition du contenu des séances qui n'aboutirait qu'à se glisser dans la chronicité. Je reprendrai les paroles du Pr. Hochman lors du Congrès de l'UNAFAM à Clermont-Ferrand, intitulé «Le Soin Psychiatrique précoce et le devenir du malade mental»: «On peut revenir en arrière dans l'espace et cet aller et retour est indispensable pour forger en nous, la conscience de la permanence des objets qui nous entourent et la permanence aussi de notre être. Le soin psychiatrique a pour ambition essentielle de permettre ce genre de chose il a pour ambition d'offrir au patient des situations qui sont sources d'ouverture et, ensuite, d'aider le patient à élaborer les émotions liées à cette ouverture». Par exemple, les sensations ressenties en yoga, les émotions qui surgissent lors de matchs de volley ou foot chez les psychotiques, figés dans d'autres situations. La pratique de cette forme de soin, les paroles supposent que l'infirmière ne soit pas prisonnière d'a priori, ni de stéréotypies dans le contenu. Elle exige malléabilité, capacité de rêverie de la part du thérapeute pour ne pas dériver dans des échanges figés. Nous, constatons, d'une part, que le sport n'est pas un traitement en lui-même -une technique n'est pas soignante en elle-même- et, d'autre part, qu'il n'y a pas de soin sans situation de soin. J'ai eu la responsabilité d'un stagiaire éducateur sportif. Il faisait son travail consciencieusement, décomposait le sport qu'il enseignait, l'individu devant enregistrer et évoluer dans la technique. Soins et situation À l'inverse, nous soignants faisons évoluer la technique en fonction de la personne.
Ma démarche reposait non pas sur l'acquisition progressive d'une technique mais elle partait de la problématique de cette patiente en l'amenant à se centrer. La fonction thérapeutique tient à la capacité de permettre à la personne soignée de se surprendre elle-même dans sa capacité de création d'existence en propre. Linfirmier(e) amènera à faire, à être soi-même avec autrui. Le travail en piscine Le cadre de l'activité sera illustré par le travail en piscine dans les diverses étapes avant, pendant et après le bain. lors de deux séances hebdomadaires. Elles sont coanimées par un psychomotricien différent pour chaque séance. Cette expérience soignante repose sur trois axes: le soin psychologique intégrant une dimension éducative et (re)socialisante. Elle est propice au réinvestissement du corps. Par ses propriétés physiques et sa nature régressive, l'eau rassemble plusieurs fonctions: médiateur relationnel, structuration, communication. «Tous étant dans le même bain», les différences sont abolies et favorisent une expression plus libre des échanges. L'élément aquatique est là pour contenir. récupérer une détente est permise. À chaque fois, ce sera avec
Elle est aussi utilisée pour dynamiser par le biais de jeux collectifs (natation-course, gymnastique aquatique... ) qui peuvent réveiller la notion de plaisir. - Une première séance est proposée à des patients plus déficitaires qui nécessitent quasiment un accompagnement individuel à tous les niveaux de l'activité. Le besoin de se restaurer (remplir 'l) à la sortie est irrésistible (chocolat chaud, café... ). Il contribue au fonctionnement de ce groupe. La deuxième séance concerne des personnes plus autonomes. La sortie du CHS, le trajet. le personnel, le cadre (piscine, vestiaire, etc... ), les autres nageurs (c'est-à-dire le public) sont autant de supports relationnels que nous exploitons. Nous reprécisons le cadre régulièrement en groupe. Il doit apporter sécurité par son effet contenant, proposer une enveloppe rassurante, un entourage non menaçant. Les paroles, les attitudes, le climat, la technique thérapeutique utilisée font partie de l'enveloppement. Notre mode d'intervention est déterminé par la pathologie, le comportement du patient, lors de chacune des étapes. Quelquefois, le travail doit être interrompu selon le comportement dans la situation. Hélène, 23 ans, très repliée sur elle-même, avait manifesté de l'enthousiasme lors de l'entretien. À la piscine, la communication était coupée ; elle s'isolait, se «diluait» dans l'eau: elle plongeait, glissait sous leau; elle était inaccessible. Il était certainement trop tôt pour utiliser ce support et, donc, en accord avec les autres soignants et le médecin, nous l'avons avisée que cette activité serait momentanément arrêtée. Nous lui avons expliqué cette décision. Le départ et le trajet
L'arrivée
L'accès au bain
La sortie de l'eau À la sortie de l'eau, il existe aussi différents supports et situations de soins. Ce moment permet de prendre soin:
C'est un moment convivial où la parole oriente vers une relance de la préoccupation de soi, qui peut soutenir quelque chose de l'identité féminine. Certains messieurs du groupe, qui attendent, ne manquent pas de le faire remarquer. Dans ces moments-là, il se travaille quelque chose de la différenciation, de la renarcissisation. Toutes ces phases sont plus ou moins vite spontanément intégrées, selon les cas. Cette activité a lieu pendant les heures d'ouverture au public, qui est essentiellement adulte, souvent retraité et surtout très chaleureux et accueillant. Certains se joignent spontanément à nos jeux. Le public participe à la permanence. L'ensemble contribue à maintenir le contact avec la société ou à le rétablir. François: une identification à autrui François a 22 ans. Il est hospitalisé en 1987 pour autisme infantile. Le certificat d'hospitalisation dit enfant prématuré, retard de langage, quelques mots, attirance pour le feu, myopie très importante. F. est arrivé dans le service venant du service de pédopsychiatrie. Il savait nager. Nous avons parlé plus haut de son comportement dans le vestiaire. Il passait son temps sous l'eau, à regarder dans les hublots. Il avait une capacité à tenir en apnée impressionnante. Ou alors, il inspectait le tour du bassin dans les détails, le nez collé sur tout ce qui est rond (pendule, chrono... ). Dans tous les cas, il était isolé du groupe. Il semblait se questionner quand il était dessous, cramponné aux hublots, un peu comme s'il cherchait l'issue qui permettait de sortir: sa situation sous l'eau pouvait-elle métaphoriser le ventre maternel ? Un jour, nous avons demandé à entrer dans le couloir réservé aux techniciens pour lentretient et la sécurité. Il permet de voir la piscine depuis l'autre côté des hublots. François s'y est collé de la même façon, a observé en détails, vu «à l'envers» avec autant d'intérêt. Ce pouvait être le conduit qui menait à la sortie, à la naissance, pourrait-on dire ? À chaque étape de ce travail, nous lui expliquions le plus clairement possible où nous étions, ce que nous faisions, la place de chacun. Nous relaterons ici:
Le moment de rhabillage dans le vestiaire est l'occasion, devant le miroir, d'expériences et de questionnement par rapport au schéma corporel. Les changements de lieu, de personnes dans le groupe... causaient de réels bouleversements avec un retour vers les objets ronds, les trous, l'isolement, quelquefois le débordement (jet d'objets, vomissements dans l'eau...) Avec ces périodes de régression, F. a pu intégrer progressivement les diverses perturbations pour une nouvelle adaptation. Le travail a été individuel pendant plusieurs semaines. Maintenant, il nage, fait des longueurs, ne va sous l'eau que lorsqu'il y est invité par le biais de jeux. Il demande personnellement le matériel qui l'intéresse au maître nageur. malgré sa difficulté d'élocution. Il a appris à plonger. L'été, il s'installe sur sa serviette avec le groupe pour prendre le soleil (fait le geste pour expliquer). Il s'isole rarement, seulement quand nous sommes monopolisés par d'autres. Pour ce patient, ses progrès dépendent d'un investissement relationnel de sa recherche d'identification à la façon d'être ou de faire d'autrui. Ce fut un travail évolutif puisque F., à partir de la prise de conscience de lui-même dans le groupe, a pu transposer ses acquisitions dans d'autres groupes, dans d'autres lieux, par exemple lors des rencontres inter-hôpitaux. C'est la deuxième fois qu'il y participe à la piscine du CHS de Pau. La première fois, il fallait l'inciter de la voix à terminer ses longueurs lors des courses. Cette année, il avait retenu l'objectif de se comparer à l'autre, de le gagner, de passer le relais. Il était amusé et riait. Cette sortie avait fait l'objet d'explications et de préparations avec le groupe, pendant quelques séances. F. parvint, malgré son handicap, à être en harmonie là où il se trouvait. Nous pouvons constater que le travail effectué l'a amené progressivement à se détacher de ses défenses psychotiques. Madame L: ouvrir une brèche Mme L., 47 ans, mariée, 2 enfants. Cette dame, clerc de notaire, a cessé de travailler pour élever ses enfants et «attendre» son mari médecin. Elle a été hospitalisée contre son gré, pour alcoolisme. Le conflit conjugal semble important ; le mari précise qu'elle crée une ambiance familiale glaciale. On notait une personnalité rigide, hyperrnéticuleuse, en un mot obsessionnelle. Vraisemblablement, sa seule façon de lâcher prise est l'alcoolisation, ce qui la culpabilise comme pour tout obsessionnel qui s'autorise un plaisir. Notre objectif était de travailler les limites du corps, l'aider à en prendre conscience pour accepter de lâcher prise. Je citerai un passage du livre «Guérir envers et contre tout», écrit par le Dr Simonton: «L'exercice a plus que des bénéfices physiques ; il peut tout aussi bien produire des changements psychologiques significatifs. Plusieurs études ont observé que les personnes suivant un programme régulier d'exercices ont tendance à être plus flexibles dans leur manière de penser et leurs opinions ; ils ont tendance à avoir un sens accru de leur propre autonomie, une image de soi renforcée, une meilleure acceptation de soi, moins tendance à accuser autrui... ont tendance à développer un profil psychologique plus sain en général». Ceci revient à dire qu'en assouplissant le corps nous pouvons assouplir le mental. Le corps devient un ami, une source de plaisir. Le médecin avait prescrit APS en général. Les données et l'entretien détermineraient laquelle. Au début, elle était très méfiante, refusait tout en bloc. Avec beaucoup de réticences, elle acceptait un travail en piscine tout en émettant de nombreuses réserves (mal au dos très en rapport avec sa rigidité, peur de l'eau). Lors de la première séance, elle était très angoissée. Nous avons marché dans l'eau en nous tenant la main, puis les deux mains pour sautiller ; nous avons varié ces déplacements jusqu'à la sécurisation, tout en l'amenant à exprimer ce qu'elle ressentait. Elle s'est entourée d'une ceinture et d'une planche. Il n'y avait plus de risque de noyade. Pour rester conforme à ses habitudes, elle voulait tout contrôler, donc, savoir nager immédiatement. Elle se battait avec l'eau, était hyperactive, s'épuisait, n'avait aucun résultat. Nous lui avons fait prendre conscience de cette situation et lui avons proposé de se laisser glisser, de se laisser porter. Nous placions les mains sous le dos pour l'aider à glisser sans mouvements, lui expliquant en même temps qu'il était plus facile comme dans la quotidienneté, d'avancer dans un état de calme, de relâchement, plutôt que d'agitation. Quelques coulées ventrales autonomes ont permis de le lui faire observer, constater. Nous l'avons amenée à comparer ces deux attitudes et la différence de résultat. L'attitude activiste était celle qu'elle adoptait dans sa vie. C'était pour elle un peu comme une révélation. Elle a informé le médecin, le psychologue. Dans la nuit, après une séance, elle a rêvé de la noyade dont elle avait été victime étant enfant. Dès la troisième séance, Mme L. appréciait de s'allonger, se laisser porter, glisser à la surface de l'eau, totalement relâchée. La progression est rarement aussi rapide. Cette dame a bénéficié d'un travail individuel. Le soin infirmier en piscine l'a amenée à ouvrir une brèche dans la carapace constituée par des défenses obsessionnelles et ainsi à pouvoir investir un travail psychothérapique. À sa sortie, elle admettait qu'elle pouvait s'autoriser des activités personnelles, peut-être aller à la piscine «prendre des cours de natation», disait-elle. Des soins infirmiers extra-hospitaliers viendraient la soutenir pour consolider ce qui avait été entamé. La place des activités thérapeutiques Pour des patients psychotiques, nous nous appuyons sur la fonction denveloppe, de contenant de l'eau par rapport à une problématique de morcellement. L'eau avec des patients névrosés soutiendra une incitation à la relaxation, au lâcher prise de ce corps meurtri et dévalorisé, ainsi qu'une stimulation et une renarcissisation pour les patients déprimés. J'aimerais reprendre ici la conclusion du Dr Gabbai, lors d'une journée d'étude sur les médiateurs organisée par le CHS de La Roche-sur-Yon en décembre 1992. Il écrit «On se souvient des trois catégories lacaniennes
Alors, il est clair que les activités à caractère pédagogique se situent dans le registre du symbolique: c'est un savoir «commun» à tous, c'est «un corpus social» qu'il faut conquérir... Si nous reprenions l'exemple de l'eau, il s'agirait ici d'apprendre à nager, c'est-à-dire d'acquérir une gestualité codifiée, symbolisable et communicable.. Dès lors, où situer les activités thérapeutiques ? Nous avons vu qu'il était illusoire d'en escompter quoi que ce soit au niveau du réel, qui ne soit repris dans l'imaginaire ou le symbolique. Elles peuvent se situer dans le registre de l'imaginaire... mais restent alors prisonnières de la fusion, de la dualité spéculaire... Un autre registre pourrait y répondre, celui à l'oeuvre dans l'art, le jeu et la poésie: il s'agit de ce que Julia Kristeva a appelé le sémiotique. Il s'agit d'une modalité expressive, qui n'est pas encore symbolique, très en lien avec le corps (ses rythmes, ses plaisirs) et avec le champ pulsionnel, s'exprimant selon les modalités rythmiques, cinétiques, intonationnelles, transgressant les codes langagiers, comportementaux, picturaux, mais restant communicable, porteuse de sens. La poésie en est le meilleur exemple, qui préfère la métaphore au symbole, qui privilégie l'émotion, le pulsionnel, le rythme, le ton, le musical, qui bouscule le langage et la grammaire.... Tout en restant communicable... (ce qui fait la différence avec la psychose). Pourrait-on dire que la modalité préférée des activités et des médiations thérapeutiques soit le «sémiotique» parce qu'on y travaille avec et par le corps, ses rythmes, ses plaisirs... et parce qu'on y utilise le jeu, l'art, la peinture, la musique... et la poésie? L'expérience montre à ce jour que le médiateur prend tout son effet thérapeutique dans le respect
Ce soin, évalué régulièrement, s'inscrit dans une complémentarité des autres techniques de soins mises en oeuvre pour le patient. Les Activités Physiques et Sportives apportent leur contribution aux possibilités thérapeutiques en psychiatrie. |
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